Après avoir vu les éléments de mutations, regardons de plus près dans quelles zones et comment les principales banques françaises s’implantent-elles ? Extrait de l’article « banque et internationalisation. Quel échiquier ? » du mois mai 2016 paru dans Point Banque 111 . REPRODUCTION INTERDITE. PUBLIE AVEC L’AUTORISATION DE POINT BANQUE.
Les cinq principales banques françaises atteignaient ainsi 2 550 milliards d’euros d’engagements internationaux en 2013, soit un tiers de leur
total de bilan consolidé. A titre de comparaison, fin 2006, elles atteignaient 1 716 milliards d’euros.
Cela représente, en cinq ans, une croissance de 50 % ou de 834 milliards d’euros. Après une intensification de la présence des banques françaises
qui ont doublé leur nombre d’implantations entre 1998 et 2008, le nombre d’installations aurait chuté pour atteindre 1 700 en 2013.
Ce sont surtout au Royaume-Uni et aux Etats-Unis que le recul a été prononcé, avec respectivement – 98 et -38 structures en moins. La décroissance est très nette à compter de 2011.
Plusieurs facteurs tels la crise, des contextes géopolitiques instables, la nécessité de renforcement des bilans, ou encore la réalisation de plan d’économies expliquent ce mouvement. Quelques pays n’ont pas touché par cette baisse.
Entre 2010 et 2013, l’Espagne a disposé de seize implantations supplémentaires. L’Irlande en a gagné en quatorze, les Pays-Bas douze, l’Allemagne onze. Au total, les banques françaises seraient présentes dans 88 pays, selon un rapport du Sénat. Trois établissements français – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale – regroupent 83 % des implantations. Sur la zone européenne, les banques françaises restent les plus internationalisées, derrière celles du Royaume-Uni. Elles investissent principalement la zone européenne (52 %). On les retrouve également en Amérique pour près d’un tiers de leur activité (27 %), puis en Asie (17 %), en Afrique (3%) et enfin en Océanie (1%). Au total, 34 % de leur activité est réalisé hors des pays de l’OCDE, selon l’ACPR.
Où les banques françaises se localisent-elles ?
Reste que les banques françaises sont surtout implantées dans les grandes zones financières qui disposent d’une stabilité politique, gage de faibles risques et de revenus durables.
Selon un rapport du Sénat, les activités sont ainsi principalement réalisées aux Etats-Unis avec 133 implantations en 2013, au Royaume-Uni (106), en
Italie (60), en Allemagne (59), en Belgique (42), au Luxembourg (42), en Espagne (47), aux Pays-Bas, en Suisse et au Japon. Il est à noter que les banques ont vu leurs engagements croître vers l’Europe de l’Est depuis 2006. Mais ceux-ci ont ralenti passant de 42 % en 2010 à 38 % en 2013.
Les établissements bancaires français sont également présents, mais dans une moindre mesure, dans les pays émergents tels la Russie, la Chine, la
Turquie et le Brésil. Mais les tensions politiques – comme par exemple entre la Russie et l’Ukraine – ont généré une fuite des capitaux et accentué les défauts de règlements des emprunteurs locaux et une dépréciation de la monnaie.
Les banques s’installent également au sein de centres financiers tels que les îles Caïman, Singapour ou Hong Kong. Ou encore dans les pays disposant de ressources rares dans leur sols et d’importance économique majeures, tels l’Australie, le Canada, l’Arabie Saoudite, les Emirats… Quant au PNB exact par activité et territoire, il est difficile à établir.
Selon l’ACPR, BNP Paribas est la banque qui a le plus d’activité internationale, suivie de Société Générale, Crédit Agricole, BPCE et du Crédit Mutuel. Les banques accompagnent essentiellement les grandes entreprises et institutions à l’étranger, principalement à travers des prêts. Il est à noter que les engagements envers les administrations publiques et les banques centrales auraient triplé en 6 ans, toujours selon l’ACPR. En 2013, ils atteignaient 600 milliards d’euros.
Trois modes d’implantations
Les groupes bancaires opèrent leurs implantations à l’étranger selon trois principaux modes. Jessy Troudart, auteur d’une thèse intitulée « Analyse et comparaison des stratégies d’internationalisation des banques » et assistant de recherche à l’Université de Montesquieu Bordeaux, apporte un
éclairage intéressant avec la mise en place d’une typologie d’ancrage. Elle distingue l’implantation de filiales ou de succursales, l’acquisition ou la fusion transfrontalière, enfin la réalisation de partenariats et d’alliances avec l’étranger.
L’implantation peut se faire par une création ex-nihilo. C’est le choix opéré par Société Générale qui a ouvert en juin 2015 une structure au Togo pour servir sa clientèle d’entreprises et soutenir leur développement sur la zone. Malgré quelques inconvénients – l’installation est coûteuse, demande du temps et exige une forte connaissance des pratiques, de la législation, etc. – cette démarche s’avère payante.
Crédit Agricole œuvre depuis plusieurs années sous sa marque en Pologne, en Ukraine, en Serbie et en Roumanie, au Maroc, en Egypte, en Suisse ou en Espagne dans la banque de détail mais aussi en Amérique du Nord avec Crédit Agricole CIB, banque de financement pour soutenir les entreprises et institutions. L’enseigne verte y connaît de très bons résultats.
Les acquisitions permettent quant à elles d’absorber l’existant (clientèle, savoir-faire, technologies, ressources humaines, notoriété, culture historique, etc.) et de se déployer rapidement. Société Générale a par exemple choisi d’acquérir Mauritius Commercial Bank Mozambique par une prise en capital à 65 % en mars 2015. Elle pénètre ainsi le marché tout en bénéficiant de la législation locale et du capital immatériel de la banque africaine. Et renforce sa place de troisième banque internationale en Afrique, avec désormais une présence dans 18 pays du continent.
Autre exemple, BNP Paribas a réalisé l’acquisition dans les années 1980 de Bank of The West aux US. Elle dispose aujourd’hui de 600 agences
dans 22 Etats. Plus récemment, elle a fait l’acquisition de Bank BGZ en Pologne pour pénétrer l’Europe de l’Est et bénéficier ainsi de la croissance de la zone. La banque polonaise compte plus de 1,2 million de clients. Elle est spécialisée dans l’agroalimentaire et le financement de projets agricoles, un positionnement stratégique face à la demande mondiale liée à l’accroissement de la population. L’enseigne a également pris une participation à 81 % dans le capital de DAB Bank AG, banque de détail en ligne implantée en Allemagne mais aussi en Autriche. Elle occupe une place importante sur le territoire de la banque digitale pour contrer de nouveaux acteurs. L’acquisition lui permet de développer de nouveaux métiers mais aussi ses activités de courtage.
Quant au groupe Crédit Mutuel, il ne s’est lancé dans l’internationalisation qu’en 2008, avec l’acquisition de TargoBank en Allemagne et une participation à la Banque Marocaine du Commerce Extérieur. En 2012, Citibank Belgique passe dans le groupe. Plus récemment, la banque a réalisé une expansion en Espagne, finalisée le 31 mars dernier, en devenant actionnaire à 51 % de TargoBank Espagne. Cette démarche a permis au groupe une amélioration de sa notation par les agences et de gommer son caractère trop national.
Des partenariats pour raffermir les échanges
Enfin, la mise en place de partenariats permet aux banques de bénéficier de synergies et de développement conjoints à partir de ces territoires avec le signataire. Tout en évitant des investissements financiers ou administratifs lourds, cette solution permet aux banques d’être présentes sur ces marchés, de renforcer les liens entre les pays d’origine et ceux ciblés, ou encore avec les clients.
A titre d’illustration le groupe BPCE et le groupe Banque Populaire marocain ont déployé en 2012 un partenariat industriel, commercial et capitalistique. « Ce partenariat, qui s’inscrit dans les stratégies de développement des deux groupes, porte prioritairement sur : la coopération sur le marché des migrants, notamment par la mise en place de produits et services financiers à destination des marocains résidant en France ; la coopération sur le lancement de produits et services bancaires à destination des clients réalisant des opérations de banque commerciale entre la France et le Maroc ; la coopération sur les activités de banque privée et de gestion de patrimoine ; l’établissement de relation d’affaires entre Natixis et le réseau des Banques Populaires marocaines ; la mutualisation de platesformes techniques et la collaboration en matière de croissance en Afrique », expliquait le groupe dans un communiqué.
C’est dans une même logique que BNP Paribas Cardif a concrétisé un partenariat avec Bank o Beijing. « L’entrée sur le marché chinois est une étape clé de notre développement. Ce marché en forte croissance offre de nombreuses opportunités de développement en assurance vie. La combinaison des savoir-faire de BNP Paribas Cardif et de la qualité de la marque Bank of Beijing va nous permettre de renforcer nos positions dans cette zone géographique clé pour notre développement », expliquait Xavier Guilmineau, responsable de l’Asie chez BNP Paribas Cardif.
Patrice REMEUR