“La blockchain est une invention géniale” déclarait récemment, non pas un Geek mais Jean-Claude Trichet ex-Président de la BCE. Des grandes entreprises en passant par les différents Etats, chacun s’accorde sur l’apport de cette technologie révolutionnaire et tente d’appréhender les potentialités de la blockchain. Une chose est sure, la blockchain impacte l’ensemble des activités de la banque : paiements, transferts, marchés des capitaux en passant par la gestion des données et contrats. Elle influe également sur les activités des télécommunications : gestion des réseaux, la sécurité…
La blockchain provoque au moins cinq ruptures
Alors quelles sont les potentialités offertes ? Regardons dans le secteur du paiement. La Deusche bank, Santander, UBS et Mellon expérimentent leur propre monnaie virtuelle en vue de règlements au sein de structures publiques. La première innovation vient de la démarche. Autour de la blockchain des entreprises jusqu’alors concurrentes s’allient pour élaborer un système d’échange basé sur une monnaie virtuelle et la mise en place d’un standard car il existe plusieurs blockchains.
La seconde rupture est que la monnaie virtuelle permet de comptabiliser des transactions instantanément plutôt qu’avec l’argent réel des banques. Il n’y a pas besoin de « vrai » argent dans l’immédiat pour réaliser les transactions. L’avantage est majeur à l’heure où l’élévation des ratios de Bâle et du Conseil de stabilité financière imposent une conservation de l’argent et une maîtrise des bilans.
La quatrième innovation réside dans le fait que la monnaie est totalement scripturale et donc économique (pas de frais de manipulation, transports…). Elle repose sur la technologie de la blockchain qui permet d’éviter nombre d’opérations et interventions couteuses de tiers.
La cinquième innovation est commerciale. La monnaie virtuelle ne peut être dépensée que dans les structures participantes. Ce qui resserre les liens commerciaux et de coopérations entre les acteurs. Les utilisateurs de la monnaie virtuelle ne peuvent pas sortir facilement du réseau d’acceptation. Pour les structures publiques, le paiement en monnaie virtuelle est la certitude que les fonds seront dépensés là où ils doivent l’être. Enfin, la monnaie virtuelle peut être un atout pour séduire le public à la recherche de redonner un fléchage et du sens à l’argent.
Regardons un autre exemple dans l’apport de la blockchain dans les services de paiement : le transfert d’argent. Des solutions comme Ripple utilisée par plusieurs banques permettent des transferts instantanés et à très faibles coûts. Les banques peuvent ainsi offrir des virements instantanés partout dans le monde contre 48 heures parfois pour un tarif moins élevés. Ces deux avantages procurent une meilleure satisfaction des clients ou un enrôlement plus aisé des prospects. Mais la blockchain va bien au-delà de ces quelques avantages.
Des retraits de billets entre particuliers
Elle fait naître de nouveaux usages et des services inédits. Par exemple l’application Abra à Mountain view. Elle permet aux différents particuliers acceptant la devise de s’échanger la monnaie ou de se remettre de l’argent bien réel (par un système de conversion) sous forme numérique ou physique depuis son mobile. Il n’y a plus besoin de se rendre à un distributeur de billets. La technologie, légalement, contourne ainsi les acteurs réglementés.
Les opportunités autour des objets connectés
Dans le domaine de l’internet des objets connectés, les opportunités sont également nombreuses. La maîtrise des objets connectés et des réseaux constituent des enjeux majeurs pour les banques et les opérateurs de télécommunication car c’est la garantie de sources de revenus issus des communications des réseaux comme de l’exploitation des données mais aussi une condition pour offrir de nouveaux services.
Depuis la blockchain, il est possible d’enregistrer en temps réel les flux de données issus des objets dotés de capteurs dans le « Grand Livre » de la blockchain. La technologie blockchain permet alors le suivi du fonctionnement des objets et des interactions. Elle ouvre des possibilités de services de surveillance/sécurité, des interventions prédictives, le paramétrage de gestion de droits-accès, le recueil d’informations ou l’optimisation et l’utilisation des ressources du réseau…
Par exemple, la blockchain permet de réaliser des contrats intelligents. IBM et Samsung ont développé en septembre 2014 une plate-forme depuis la blockchain et baptisée Adept (Autonomous Decentralized Peer-to-Peer Telemetry). Selon un rapport de « The Research Institute of the Finnish Economy » les chercheurs d’IBM estiment qu’Adept peut réduire les coûts de maintenance de l’architecture du système d’un réseau de produits et services intelligents jusqu’à 99%. En effet, Il n’y a aucun besoin de serveurs et l’ensemble de la plateforme repose sur la communication et les ressources des composants connectés.
En outre, la blockchain permet un service à valeur ajoutée de manière quasi autonome. La solution est capable de détecter des informations clés. Testée avec une machine à lavée, la solution permet de recueillir l’identité du périphérique et l’information liée à la garantie qui sont enregistrés dans la blockchain.
Le dispositif permet de détecter une défaillance imminente de la pièce et peut alors de manière autonome sans aucune intervention commander une pièce de rechange. Le système vérifie seul le détail de la garantie, détermine le statut (hors ou sous garantie), identifie le fournisseur de service approprié.
Si l’appareil était sous garantie, il n’y alors pas de paiement nécessaire. S’il est hors garantie, le service fournisseur génère un contrat pour effectuer un règlement de la part du propriétaire. Si la garantie est toujours active, après vérification du fournisseur, la demande de service est acceptée et une notification par messagerie indique au propriétaire à quel moment il est possible de remplacer la pièce.
Des produits et services « intelligents »
Outre, les paiements, la mise en place depuis ce type de solution pour des objets connectés pourraient offrir la possibilité de présenter un crédit pour le renouvellement de l’appareil si besoin, de proposer une couverture d’assurance ou une prolongation ou une solution de leasing pour la location de l’appareil… Mieux, la valeur de l’actif peut être immédiatement mesurée en temps réel.
Ainsi, sur ce même principe, tout actif réel ou virtuel peut être contrôlé immédiatement offrant ainsi des perspectives nouvelles dans l’économie numérique. L’offre et la demande (machines, pièces, réparateurs, financements, assurances…) peuvent se rencontrer en temps réel et ainsi le volume et la valeur des transactions avec des services à valeur ajoutée.
Les grands acteurs créent des plateformes ouvertes
La création de plateformes d’infrastructures pour contrôler les données et réseaux autour de la blockchain est stratégique. Plusieurs acteurs IBM, Microsoft Azure, Orange avec Chain, Ethereum, R3 consortium… mettent en place des plateformes de ressources pour réaliser des applications dans leur propre système de blockchain pour fragmenter le marché. Celles-ci proposent de faciliter la création de services pour rendre interopérable les blockchains, la gestion des identités ou services, des crypto services ou l’exploitation de données…
Dans le secteur bancaire, les applications pour contrôler ses données et les faire interagir avec des services payants sont particulièrement prometteuses. Les initiatives répondent à l’évolution des établissements bancaires amenés à devenir des « plateformes ouvertes de services » et à la réglementation européenne relative à la protection des données personnelles. A titre d’illustration, des portes monnaies électroniques de données tels que Tilepay permettent d’effectuer des paiements mais aussi aux utilisateurs de gérer leurs données. Echanges, ventes, locations de données sont possibles. Les entreprises peuvent également acheter les données disponibles mis à disposition par les utilisateurs. La plateforme Tilepay permet de contrôler les données issues de tous supports : véhicules ou encore d’oreillers et matelas… Alertes pour financer les dégâts d’un accident, paiements automatiques de parking, crédits à la consommation pour effectuer un voyage… sont des services à valeur ajoutée possibles.
Autre exemple, Microsoft a créé une plateforme reposant sur la blockchain de gestion des données et des identités pour activer ses dispositifs et créer des applications. Les opérateurs peuvent utiliser ou développer ce type de solutions pour offrir des services bancaires sécurisés, déclencher des paiements ou des crédits, autoriser des accès et abaisser les fraudes grâce à la gestion de l’identité. En outre, ces outils de gestion de l’identité ouvrent de nouveaux marchés. Selon la Banque mondiale, 1,5 milliard de personnes dans le monde ne possèdent pas d’identité juridique. Cette situation les exclus d’ouvrir un compte bancaire et services financiers.
La blockchain promet une révolution dans le secteur de la banque mobile, des télécommunications et dans bien d’autres secteurs. Elle ouvre la voie à de nouvelles innovations, usages et des applications liées à la sécurité offrant une personnalisation accrue. Cependant, la blockchain reste limitée par sa vitesse de traitement des transactions mais aussi l’interopérabilité avec les différentes blockchains, les infrastructures et technologies.
D’ores-et-déjà, la blockchain donne la possibilité de créer des Organisations autonomes décentralisée (DAO) qui sont des structures fonctionnant de manière autonome avec la définition de règles émises par les actionnaires par exemple. La première entreprise fonctionnant sur ce principe de règle de gestion automatisé « The DAO » a été créée cet été.
Le réseau distribué sécurisé depuis la blockchain est le socle de ressources majeures (puissance de calculs, sécurité…) pour accroître la puissance des intelligences artificielles qui permettront par un paramétrage depuis son mobile notamment d’automatiser son habitat ou le monde !
Patrice REMEUR
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