Edito de Laure de la Raudière pour le guide « Banques et innovations 2016 » .
Elle est Députée, secrétaire de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, Laure de La Raudière est également membre du Conseil National du Numérique.
Engagée pour le développement du numérique, elle a pris des positions reconnues sur les sujets de lutte contre la fracture numérique, de défense de la neutralité d’Internet et de développement d’un environnement favorable à l’innovation numérique.
Laure de La Raudière a été nommée co-rapporteur de la mission d’information sur les objets connectés créée par l’Assemblée Nationale.
Elle est aussi intervenue pour permettre les expérimentations de la technologie Blockchain dans le domaine financier.
C’est une nouvelle révolution. Dans le monde feutré et néanmoins cruel des acteurs financiers traditionnels, de nouveaux arrivants sont apparus sur le ring, peu enclins à respecter codes et procédures, et agiles pour offrir des services financiers innovants à coût réduit grâce aux nouvelles technologies numériques : on les appelle les « Fintechs ».
Les banques, « propriétaires » historiques d’une clientèle captive, sont comme des colosses au pied d’argile. Pensez-vous : hier, on restait en moyenne plus longtemps fidèle à sa banque qu’à son conjoint!
Étonnamment, ce n’est que maintenant, qu’au plus haut niveau, les banques commencent de s’intéresser aux stratégies « disruptives » de ces nouveaux venus : malgré leur puissance de frappe considérable et la grande compétence de leurs équipes, elles ont tardé à se réorienter et sont donc fragiles face aux attaques de ces prédateurs 2.0.
Mises au pied du mur par les faibles niveaux de taux d’intérêt qui rognent leurs marges, elles doivent maintenant innover ou mourir. Leurs atouts restent un rapport étroit avec les clients (contact personnel via les agences), une connaissance intime de leur situation patrimoniale et une maîtrise incontestée des outils de traitements documentaires.
Mais ces forces sont battues en brèche : l’exclusivité de la connaissance de leur propre clientèle diminue face à la colossale quantité de données personnelles amassées sur les sites de commerce ou les réseaux sociaux.
Qui, mieux que Facebook, Apple ou LinkedIn à qui nous confions beaucoup de notre vie privée ou professionnelle, peut aujourd’hui prétendre disséquer nos rêves, nos budgets et nos projets ?
Pour corser la donne, ces nouveaux convives arrivent avec des liquidités quasiment illimitées : les grands acteurs de l’Internet, Google, Amazon, Facebook, Apple mais aussi Alibaba regardent avec convoitise l’appétissant marché qui s’offre à eux.
On voit aussi émerger une concurrence nouvelle du coté des startups comme Compte Nickel, Number26 ou Bankin’, qui proposent de nouveaux services, que les banques auraient pu imaginer elles mêmes, assez aisément, si elles avaient écouté – un peu plus – le besoin de leurs clients.
La puissance du numérique donne le tournis : on voit progressivement la disparition du cash, l’émergence du crédit direct entre prêteurs et emprunteurs, des alternatives au prêt bancaire via le crowdfunding, du trading à haute fréquence, de l’analyse
du risque crédit par robot etc.
Sans oublier la Blockchain ! Cette technologie permet la certification de tout type de transaction par l’inscription sur un registre public, infalsifiable, virtuel et décentralisé. L’authentification ainsi procurée par la Blockchain peut s’appliquer à de nombreux échanges : monnaie, pierre précieuse, titre de propriété, plan cadastré et, bien entendu, identité d’un créancier et d’un emprunteur…
Notre pays ne doit plus attendre pour disposer d’un cadre réglementaire favorable aux développements des Fintechs. Exigeons de l’Autorité des Marchés Financiers une plus grande réactivité et audace, faisons de Paris la première place financière d’Europe pour les Fintechs.
Le Brexit nous en donne l’opportunité, saisissons-la! Aurons-nous l’audace d’agir vite, de manière disruptive, bref, en « mode startup », afin de capitaliser sur l’indéniable ingéniosité française ? Je l’espère et y contribuerai.
Patrice REMEUR