Jusqu’alors préservées, les banques privées accélèrent depuis quelques années leur mutation. Elles sont aujourd’hui rattrapées par de nouveaux acteurs, par l’évolution des technologies et par un contexte chamboulé. Alors, quels sont les éléments qui les obligent à se remettre en cause et bouleversent leurs modèles économiques ? ARTICLE PUBLIE DANS POINT BANQUE 110 D’AVRIL 2016. REPRODUCTION INTERDITE.
Plusieurs facteurs expliquent cette mutation. Tout d’abord, la crise a modifié le comportement des grandes fortunes devenues plus vigilantes, et souhaitant reprendre la main sur les placements.
La faiblesse des taux a changé les habitudes avec des investisseurs exigeants et abonnés
à des rendements élevés. Ensuite, le contexte réglementaire modifie irrémédiablement le paysage. À titre d’exemple, MiFID2, directive européenne
qui vient d’être reportée d’une année soit en janvier 2018, établit de nouvelles règles de négociation pour les marchés des capitaux.
Elle enlève notamment les rétro commissions et oblige à repenser les conditions techniques et modèles économiques.
La réglementation internationale sur la lutte antiblanchiment ou liée à la directive épargne redistribuent les cartes et les destinations des fonds par
le fait d’éliminer l’expertise de certains banquiers spécialisés dans les problématiques transfrontières.
La richesse n’est plus systématiquement rapatriée et crée ainsi un manque à gagner pour les acteurs traditionnels.
De nouveaux concurrents apparaissent également. Les banques des pays émergents suivent leurs clients fortunés au-delà des frontières traditionnelles et deviennent de nouveaux concurrents. Les start-ups fleurissent sur le marché. Dotés de robots, ces nouveaux acteurs offrent des services adaptés à des tarifs très réduits et des prestations ajustées aux attentes.
Quant aux banques, elles développent de nouvelles structures ou des services en ligne pour tenter de répondre aux besoins des nouvelles générations et de suivre leurs clients partout dans le monde.
Un marché très dynamique et vital
S’ajustant à ces nouvelles conditions, les acteurs bancaires disposent d’opportunités particulièrement intéressantes. Le marché des clients fortunés
est dynamique et ne cesse de croître. Les différentes études s’accordent pour définir un taux aux alentours de 7 % entre 2013 et 2014, après une croissance à deux chiffres les quatre années précédentes.
Les banques des pays émergents, qui suivent leurs clients fortunés au-delà des frontières traditionnelles, deviennent incontestablement de nouveaux
concurrents. Le nombre de clients très aisés devrait croître de 8 % d’ici à 2017. En 2014, près d’un million de personnes auraient franchi la barre de un
million de dollars d’actifs (hors résidence, objets de collection, bien de consommation), selon World Wealth Report réalisé par Cap Gemini et RBC
wealth management. Le marché de la gestion de fortune serait constitué de près de 15 millions de personnes.
Ces dernières détiennent une bonne partie (environ 40 %) des richesses financières de la planète, soit plus 56 trillions de dollars. Les gens fortunés sont répartis de manière assez uniforme sur la zone d’Amérique du Nord, en Europe et sur la zone Asie-Pacifique.
La concurrence est donc mondiale. L’Amérique du Nord tient la première place, suivie de peu de l’Asie-Pacifique. Tirée par la Chine et l’Inde, c’est sur la zone Asie-Pacifique que le taux de croissance est le plus élevé, avec 11 % de croissance en une année. La zone devrait d’ici peu prendre la première place.
Quant à la France, selon Time metric report, elle disposerait de 578 000 personnes et le nombre de nouveaux millionnaires seraient de plus de 22 000 chaque année. À titre de comparaison, l’Allemagne en compterait le double de millionnaires, et le Royaume-Uni 699 000 personnes au total. Selon les prévisions, le nombre de millionnaires en France devrait également passer à 646 500 d’ici à 2018, et la richesse financière de ce segment devrait croître de 23 % pour atteindre au final 2,79 trillions de dollars.
De quoi est constitué leur fortune ?
Les hauts patrimoines détiennent pour 75 % d’entre eux leurs richesses dans l’Hexagone. Les clients très fortunés se distinguent également par des outils financiers spécifiques et une répartition équilibrée de leur finance.
Ils possèdent majoritairement des actions (27 % des portefeuilles), selon le World Wealth Report. Pour pallier les risques de volatilité, ils conservent également un bon niveau de liquidité (26 %), de placements immobiliers (18 %), de titres à revenus fixes (16 %) et de placements alternatifs (13 %). Cette répartition signifie qu’ils utilisent une large gamme de services et sont demandeurs d’expertises sur des marchés spécifiques.
Autre trait. Pour optimiser leur situation et le financement de leurs ressources ou investissements, les grandes fortunes utilisent très largement le crédit. Enfin, cette population est particulièrement soucieuse de l’impact social de son argent et privilégie les investissements socialement
responsables (ISR).
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Patrice REMEUR